Société
Retour16 janvier 2018
«Pops m'a sorti de la rue, il m'a sauvé la vie»
Stephan Lavoie pleure le décès du père Emmett Johns
©gracieuseté
TÉMOIGNAGE. L'onde de choc de l'annonce du décès du père Emmett Johns, surtout connu sous le surnom de Pops, s'est fait ressentir jusqu'en Abitibi. Le Preissacois Stephan Lavoie a perdu un ami, un mentor, et peut-être plus.
«Pops, c'était mon père de la rue. Je suis sorti de la rue grâce à lui. Il m'a sauvé la vie. Et je ne suis pas la seule personne de l'Abitibi qu'il a aidée», affirmait lundi le maire de Preissac.
J'ai grandi avec lui durant mes années dans la rue à Montréal -Stephan Lavoie
Stephan Lavoie estime devoir beaucoup à ce prêtre qui a consacré les 30 dernières années de sa vie à aider les jeunes itinérants et autres laissés pour compte dans les rues de Montréal. Il l'a connu à ses débuts, avant même qu'il ne fonde l'organisme Dans la rue (1989), qui poursuit aujourd'hui sa mission.
«Je suis arrivé dans la rue en novembre ou décembre 1987. Je sortais de l'Étape de Val-d'Or et je suis allé vivre à Montréal avec des amis. On s'est ramassé sur la Sainte-Catherine. Il y avait une femme qui nous aidait pour la bouffe, puis elle a arrêté soudainement. On avait entendu parler d'un prêtre qui donnait des hot-dogs dans sa vanette tous les soirs à 22h, au coin des rues Saint-Laurent et Sainte-Catherine. C'est à ce moment que je l'ai connu», se souvient-il.
Sans jugement
Stephan Lavoie et ses amis ont développé une relation privilégiée avec lui, l'aidant dans sa mission. «On l'escortait dans la rue. Il rencontrait les prostitués. Il leur donnait des condoms. Puis il s'est mis à leur donner des brosses à dents, des mitaines, etc. La vanette est vite devenue trop petite. Il s'est acheté un Winnebago usagé (en 1988). Nous autres, les punks, les motards nous laissaient aller, alors on escortait Pops. On lui ouvrait des portes. On l'accompagnait de 22h à 4h. Il nous avait aidés à trouver un logement dans lequel nous étions dix. Avec le plan, il nous a aidés à retourner à l'école et sur le marché du travail», raconte-t-il.
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Stephan Lavoie, à droite à côté de Pops, lors d'un repas à l'époque où il vivait à Montréal.
Stephan Lavoie garde de très bons souvenirs avec Pops, dont un souper spaghetti de Noël. «Ce sont des moments magiques, quand tu es seul, loin de ta famille, dans la rue. Il nous emmenait à son église pour manger. Il était toujours très présent. Il pouvait littéralement donner sa propre chemise. Et il n'a jamais porté de jugements. Skins, punks, itinérants, prostitués… il traitait tout le monde égal. Et quand nous étions réunis avec lui, il n'y avait aucune chicane», fait-il valoir, en faisant allusions aux tensions entre punks et skins à l'époque.
Grâce à lui
Pops l'a aussi aidé quand il a décidé de revenir en Abitibi en 1992. «Il a accepté en 1996 de venir cocélébrer mon mariage avec l'abbé Joseph Guillot. Il était venu avec des jeunes de la rue que j'avais connus. C'est resté un bon ami. Je suis allé lui présenter ma fille. La dernière fois que je l'ai vu, c'est il y a deux ans et demi», se souvient-il.
Aujourd'hui âgé de 47 ans, Stephan Lavoie estime qu'il ne serait jamais devenu ce qu'il est sans l'influence de Pops. «C'est grâce à lui si je suis là aujourd'hui et si je suis comme je suis. Ses enseignements m'aident alors que je traverse des passes difficiles. C'était un saint homme», affirme celui profitait de chaque passage à Montréal pour aller faire du bénévolat auprès de Pops et de son organisme.
Tendre la main aux jeunes sans-abri
L'organisme Dans la rue a annoncé le décès le 13 janvier le décès de son fondateur, le père Emmett «Pops» Johns, à l'âge de 89 ans. Après 40 années passées comme curé, Pops a décidé en 1988 de tendre la main aux jeunes sans-abri de Montréal, leur apportant aide, écoute et réconfort. Il a ouvert le Bunker, un refuge de nuit, en 1993, puis le Centre de jour Chez Pops en 1997. Ses valeurs de dévouement, d'empathie et de respect sont perpétuées au sein de Dans la rue, qui offre comme lui un accueil inconditionnel aux jeunes en difficulté.
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