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16 août 2024

Lucie Charest - lcharest@medialo.ca

Les mises à pied chez RYAM à Témiscaming vues de l’intérieur

David Philippe

©Gracieuseté

David Philippe aurait bien continué de travailler, car il adorait son emploi. Il a pris une retraite anticipée pour laisser la place à un plus jeune.

TRAVAILLEURS – S’ils le pouvaient, plusieurs des 275 employés de l’usine de cellulose de haute pureté effaceraient le 29 avril de leur calendrier. Date où leur présent et leur futur se sont soudainement conjugués sur un tout autre temps. Exit la fraternité au travail, exit le sentiment d’appartenance, exit la fierté de contribuer à son milieu de vie.

David Philippe était à la veille de souffler ses 41 bougies de loyauté envers cette usine, envers son employeur. Affecté au déchargement des produits chimiques, il a de surcroît été impliqué au niveau syndical. Conscient de l’impact de cette fermeture sur les jeunes familles de Témiscaming, il a, pratiquement sur un coup de tête, décidé avec sa conjointe de prendre une retraite anticipée pour laisser sa place à quelqu’un de plus jeune. 

« Ce n’était pas dans mes projets d’arrêter de travailler à 61 ans, a-t-il confié. J’aurais continué encore plusieurs années. J’aimais mon travail, j’aimais l’ambiance avec les collègues. C’était toujours plaisant d’aller travailler, parce qu’on était bien, on avait du fun on était en famille. On était respectés par nos concitoyens pour ce qu’on apportait à la communauté. » 

Le plus difficile 

Une fois la décision de prendre sa retraite assumée, annoncée à sa famille de trois enfants, dont l’aînée vient de compléter ses études universitaires, M. Philippe a ressenti comme un grand pincement au cœur. Tout au long de sa carrière, il avait, à titre de 2e et 1e vice-président du syndicat, fait partie du comité d’embauche de nouveaux employés. Des réminiscences de ces quatre décennies refont surface depuis l’annonce, telles le souvenir d’un jeune homme timide dont l’entrevue n’avait pas été concluante. 

« Je savais qu’il était gêné, relate-t-il. Mais je savais aussi que ce serait un bon employé. Je connaissais bien son père. J’ai insisté auprès des autres membres du comité pour qu’ils lui donnent une chance. J’ai gagné mon point et il a été un employé exemplaire. Ce que je trouve le plus difficile aujourd’hui, c’est que toutes ces personnes de qualité que nous avons embauchées tour à tour, ces personnes qui ont contribué à la prospérité de l’usine, aujourd’hui, il a fallu leur dire que c’était fini. » 

« Ce que je trouve le plus difficile aujourd’hui, c’est que toutes ces personnes de qualité que nous avons embauchées tour à tour, ces personnes qui ont contribué à la prospérité de l’usine, aujourd’hui, il a fallu leur dire que c’était fini »  - David Philippe

En trois vagues 

Pour Stéphane Lefebvre, président du local 233 de Unifor ce départ précoce de M. Philippe représente une lourde perte tant pour la compagnie que pour ses grands accomplissements au niveau de l’exécutif syndical. D’ailleurs, le barbecue de solidarité offert le 8 août à Témiscaming a souligné ce moment où 50 employés venaient tout juste de fermer la porte de l’usine une dernière fois derrière eux. « Chacun a géré ses émotions à sa façon, c’était différent d’une personne à l’autre, a constaté M. Lefebvre. Le 16 juillet, c’est le personnel administratif qui a été remercié. La semaine du 8 août, ça a été les 50 premiers de nos 203 membres syndiqués. » 

Une deuxième vague de mises à pied devrait avoir lieu en octobre et une dernière vague en décembre. Cette fameuse journée du 8 août a pris des allures de journée historique pour les employés et ceux qui les soutiennent. 

« Nous avons bloqué la route pendant 90 minutes, c’était un geste très significatif, d’une grande importance pour nous, a mis en contexte Stéphane Lefebvre. On voulait que notre frustration, notre cri du cœur soit entendu jusqu’à Québec, jusqu’à Jacksonville où se trouve la maison-mère de la compagnie. » 

« On voulait que notre frustration, notre cri du cœur soit entendu jusqu’à Québec, jusqu’à Jacksonville où se trouve la maison-mère de la compagnie »  - Stéphane Lefebvre

Mince consolation 

Au terme de cette première vague de licenciements supposément temporaires, une fois le choc encaissé, M. Lefebvre dresse un bilan mitigé de la situation. Pour lui, les étapes franchies sont bien concrètes, mais pas encore prometteuses d’un avenir sécurisant. 

« Maintenant, le reclassement des employés est complété, a-t-il fait savoir. Il reste à les former pour leur nouvel emploi afin de maintenir les deux autres usines ouvertes. » 

Cependant, rien ne laisse présager que la mise sur pause de l’usine de cellulose de haute pureté ne sera levée à très court terme. Car selon M. Lefebvre, seulement deux options sont envisageables, soit que la communauté devienne partenaire de RYAM et rouvre l’usine, soit qu’un nouvel opérateur la prenne en mains. 

« Ce qui nous rassure pour le moment, a-t-il conclu, c’est qu’il y a des fonds disponibles pour appuyer un nouvel acquéreur. Un comité, dont Frank Dottori fait partie, a été formé et travaille activement à trouver des solutions. Aussi, lors d’un échange avec notre directeur national, Daniel Cloutier, le ministre Fitzgibbon, bien au fait du dossier, a confirmé que la bouilloire no 10, le turboalternateur, qui produit de l’énergie verte ne roulerait pas à long terme au gaz naturel en remplacement du combustible produit par la liqueur de bois. »  

Stéphane Lefebvre

©Gracieuseté, crédit : Hugues Perreault - Unifor

Pour Stéphane Lefebvre, chacun des membres de son syndicat concerné vit ses émotions à sa manière.

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